Colloque de Dakar 11 – 12 février 1998    « Mitterrand et l’Afrique » dont les travaux ont été  publiés sous l’égide de la Médiature de la République du Sénégal en  1999 dans un ouvrage collectif

On a longuement disserté sur les facteurs internes et externes ayant contribué à déclencher et à amplifier la contestation qui a ébranlé, voire dans certains cas,  sapé les fondements de régimes à parti unique enfermés jusque là dans la certitude d’agir pour le bien être des populations. Tout a été dit sur les bouleversements de l’environnement international provoqués par l’implosion de l’U.R.S.S. et l’effondrement du communisme en Europe Centrale et Orientale. Le vent d’Est conjugué aux effets dévastateurs de la crise économique et de la thérapeutique de choc imposée par les institutions financières internationales a incontestablement fragilisé des pouvoirs africains dont les assises  reposaient sur une redistribution sociale facilitée par la rente. Ayant perdu les moyens qui leur permettaient de financer « les opérations de pacification sociale  et les actes d’allégeance »[1], bon nombre de dirigeants se résignèrent (par nécessité) au pluralisme politique et se soumirent à certaines de ses contraintes (multipartisme, organisation d’élection,     consécration des libertés d’expression). Ce n’est sans doute pas le lieu de procéder à l’évaluation des processus de démocratisation en Afrique[2], ou encore d’évoquer la surdétermination  des causes externes des bouleversements politiques qui se sont produits au cours des dernières années. Mais pour autant l’on ne peut s’empêcher de relier à toutes les interrogations sur les événements qu’ont vécus les Etats africains, singulièrement francophones, celle sur la portée qu’aurait eu le discours de François Mitterrand à La Baule en juin 1990.

 

Mais le seul fait de s’arrêter au texte prononcé par le Chef de l’Etat français à la cérémonie d’ouverture du 16ème Sommet des Chefs d’Etat de France et d’Afrique[3] souligne le caractère novateur des propos qu’il a tenus. A cette occasion François Mitterrand est sorti du cadre conventionnel de ce type de rencontre où les participants s’en tiennent davantage à la forme qu’au fond. En introduisant le débat sur la démocratie, en établissant une corrélation entre démocratie et développement, le Président français souhaitait prendre date. Il tenait assurément à faire passer à ses pairs un message résumé en une phrase : « le souffle de la démocratie fera le tour de la planète ». En clair, il leur signifiait que les événements qui ont emporté en Europe centrale et orientale «  des régimes considérés comme les plus forts » n’épargneront pas l’Afrique. D’où la nécessité pour cette dernière de s’engager sur le chemin de la démocratie.

 

La prudence de ses propos, lorsqu’il admet que, tout en étant un principe universel,  la démocratie doit tenir compte « des différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs », le soin mis à rassurer ses interlocuteurs, en leur disant, entre autres, que  rien ne sera fait  « en dehors du respect et de la considération que nous avons de vous », n’ont pas suffi à atténuer la forte tonalité politique de son discours. A l’évidence, à La Baule, les thèmes classiques sur la dette, sur son poids démesuré, sur la responsabilité qui en incombe aux pays riches, sur le devoir envers l’Afrique auquel la France ne saurait se dérober, sur l’indispensable accroissement de  l’aide publique, n’ont guère pesé face à la leçon de démocratie administrée  par François Mitterrand. Le schéma qu’il propose est tout simplement fondé  sur « le système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure ». Et comme pour mieux signifier son choix, l’ancien Président français n’hésitait pas à affirmer « que la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »[4].

 

Ce sont là des phrases qui n’autorisent guère le doute sur la fermeté de l’engagement  en faveur des changements politiques en Afrique, sur la détermination de Paris à encourager l’instauration du pluralisme. C’est du reste cette dernière interprétation  du discours de La Baule que retiendront les Chefs d’Etats présents à La Baule, les uns pour s’en féliciter et l’encourager, les autres pour s’en étonner et en prédire les conséquences déstabilisatrices pour leur pays[5].

 

Mais au delà de ces réactions on retiendra du discours de François Mitterand à La Baule en 1990 qu’il a marqué une rupture, au moins dans la forme, par rapport à une politique française en Afrique frappée jusque là du sceau du conservatisme. Au nom d’une stabilité qui avec le temps s’est révélée bien illusoire, les gouvernements français ont, pendant trois décennies, apporté sous des formes multiples, un soutien sans faille à des pouvoirs qui n’ont jamais fait grand cas du respect des libertés et du fonctionnement  démocratique des institutions. Que François Mitterand en soit venu, fût-ce sous la contrainte du nouvel environnement international, à tracer pour l’Afrique d’autres perspectives politiques que celles qui avaient eu cours jusque là, mérite d’être souligné. Certes une exégèse du discours de La Baule ferait apparaître des  nuances dans le plaidoyer en faveur de la démocratie. Plus tard, comme pour mieux se faire comprendre, François Mitterrand ne s’est pas fait faute de préciser sa pensée, et sinon, de tempérer ses propos, du moins de les soumettre à une grille d’analyse plus large faisant appel aux  concepts de sécurité et de développement. Le débat sur la revendication démocratique fut ainsi ramené à la discussion autour des notions de démocratie et de développement (l’une n’étant pas censée aller sans l’autre).Il en fut notamment ainsi lors des Sommets de Chaillot (en 1991), et de Biarritz (en 1994)[6]. A Libreville, en octobre 1992, Pierre Bérégovoy s’exprimant au nom du Chef de l’Etat, se livrera à un exercice d’équilibre, dont il ressortait que « la sécurité demeurait la condition première de toute transformation politique et économique ».

UN DISCOURS DE CIRCONSTANCE

 

Toutes ces considérations illustrent le vaste débat, voire parfois la controverse qui s’est instaurée autour de la signification politique exacte du discours de La Baule, de son impact sur les événements politiques qui se sont produits en Afrique à partir de 1990, de l’effet de changement  qu’il a pu avoir sur la politique africaine de la France. Ce débat a été  également alimenté, ou plutôt biaisé par les informations, fondées ou non, qui ont circulé sur les conditions dans lesquelles a été préparé (par les collaborateurs de François Mitterrand) le discours de La Baule[7], ainsi que sur les divergences apparues au sein même du gouvernement français, à propos d’une éventuelle réorientation de la politique africaine[8].

 

Il n’est pas question de répondre  ou de tenter de répondre à toutes les interrogations qu’a soulevées le discours de La Baule[9]. Beaucoup d’entre elles (notamment celles à consommation intérieure) n’offrent aujourd’hui qu’un intérêt limité. L’Histoire se chargera sans doute d’apporter des éclaircissements sur tel ou tel aspect des choses, mais pour l’heure, il importe de poser deux préalables sans lesquels le malentendu s’aggraverait sur le sens qu’il faut donner aux positions de François Mitterrand sur la démocratie en Afrique.

 

Le premier porte sur la stratégie qui sous-tendait le discours de La Baule. François Mitterrand s’est-il départi, comme ont pu le croire certains de ses interlocuteurs d’une trajectoire qui s’inscrivait dans la continuité de la politique africaine de la France inaugurée par le général de Gaulle en 1960. Assurément non. A La Baule, comme lors des Sommets qui l’ont précédé depuis 1981, comme plus tard en 1994 à Biarritz, le Président français n’a fait qu’assumer et préserver un héritage qu’à ses yeux, l’Histoire avait forgé et qui conditionnait aussi la place de la France dans le monde. L’exhortation à  emprunter  les voies de la démocratie doit être rapprochée de la personnalité d’un homme aux idées audacieuses mais  au tempérament conservateur.

 

Tout en s’attachant à suivre avec lucidité et enthousiasme l’évolution de son siècle, le Président français n’a jamais cessé de marquer son attachement à des relations privilégiées avec l’Afrique, à des engagements que la France se devait de respecter, sous peine de se renier. C’est ce sentiment qu’il exprimera avec force, en faisant ses adieux à l’Afrique, à Biarritz, en novembre 1994. « La France ne serait pas tout à fait elle-même aux yeux du monde si elle renonçait à être présente en Afrique, aux côtés des Africains, pour être à côté d’eux tout simplement, pour contribuer à construire un

cadre de paix, de démocratie et de développement, pour réussir ensemble une grande aventure. »

 

Le discours de La Baule doit bel et bien être replacé dans son contexte : celui d’une période pleine d’incertitudes, lourde de périls, qui commandait un renouvellement de la coopération franco-africaine. Il s’agit donc d’adapter cette dernière aux contraintes du moment et aux nouveaux équilibres mondiaux. François Mitterrand entendait peser de tout son poids dans cette évolution des rapports avec l’Afrique, comme il l’a toujours fait, tout au long d’un demi siècle de vie publique, et quelle que soit la position qu’il a occupée sur l’échiquier politique français[10]. Cette détermination à consolider la communauté de destin unissant la France et l’Afrique s’explique par la relation particulière, tout aussi sentimentale que politique, que le Chef de l’Etat français a toujours entretenue  avec le Continent[11].

 

Le second préalable, complémentaire du premier, a trait à l’impact du discours de La Baule sur le cours des événements politiques en Afrique. Certains y ont vu à tort l’élément catalyseur de la revendication démocratique qui, en quelques mois, a ébranlé

 

les régimes autoritaires et les a contraints à se soumettre aux lois du pluralisme. De ce

strict point de vue le discours de La Baule a été au mieux une réponse, un peu tardive, aux aspirations démocratiques  qui, de l’ex-Zaïre au Sénégal, en passant par le Gabon, le Togo et le Mali, ont provoqué une mobilisation sans précédent en faveur des changements politiques[12]. Rien ne serait plus erroné que de réduire la volonté clairement exprimée par les peuples africains de reconquérir la maîtrise de leurs destins à un « feu de brousse » provoqué artificiellement par le discours de La Baule, comme l’ont pensé quelques responsables français.

 

Que François Mitterrand ait pris la mesure des bouleversements auxquels seraient inévitablement exposés les Etats africains (les contestations et les manifestations de rues en avaient apporté la confirmation pendant les premier mois de l’année 1990, c’est-à-dire avant le Sommet de La Baule) ne fait guère de doute ! D’une certaine manière, son intervention à La Baule était dictée par le souci d’accompagner le mouvement démocratique, pour mieux le canaliser, voire le contrôler et empêcher surtout qu’il ne débouche sur une instabilité génératrice, entre autres, de danger pour l’influence française. Il n’est peut-être pas exagéré de dire que le discours de La Baule a été pour la revendication démocratique en Afrique ce que la Loi Cadre de 1956[13] a été pour la revendication nationaliste. Dans l’un comme dans l’autre cas, il s’est agi de prendre acte des profondes  mutations politiques qui ont  cours, et de « coller » aux idées qui « travaillent » les sociétés africaines.

 

LES EQUIVOQUES DE LA BAULE

 

Est-ce à dire que toutes les conséquences politiques ont été immédiatement tirées du discours  novateur de La Baule, et que le gouvernement français s’engagera dès lors à appuyer et à renforcer le processus de démocratisation ? Certainement pas si l’on en juge par les hésitations et les atermoiements manifestés par la France lors de certains événements qui ont, ici et là, mis à mal les transitions démocratiques et ont plus tard conduit à la restauration de logiques autoritaires.

 

Et l’on touche là aux nombreuses ambiguïtés du  discours de La Baule, un discours à multiples facettes qui fit l’objet  de nombreuses interprétations. Du reste il y va du discours de La Baule de François Mitterrand, comme naguère du discours de Brazzaville du général de Gaulle. L’un et l’autre ont marqué de leur empreinte l’histoire des relations franco-africaines, et autour d’eux sont nées des incompréhensions sur la volonté politique de leurs auteurs.

 

On a dit tout et son contraire à propos du discours de Brazzaville de   1944, certains allant le temps d’une célébration d’anniversaire jusqu’à en faire l’acte fondateur de la décolonisation. Point n’est besoin d’épiloguer sur cette interprétation, car  les propos du général de Gaulle ont préfiguré tout au plus un réaménagement  de l’empire colonial, sous les traits de l’Union française et ont ouvert timidement la voie à une forme embryonnaire d’autonomie administrative des futurs territoires d’Outre Mer.

 

C’est de ce même registre du malentendu que relève le discours prononcé par François Mitterrand lors de la 16ème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique. La tonalité peu habituelle utilisée par le Président français et la forte crispation politique qui prévalait alors  sur le Continent ont sans conteste contribué à brouiller le message délivré à La Baule.

 

Le discours de La Baule, les idées  qui y sont exprimées, la prudence qui en ressort s’agissant de l’application de schémas institutionnels ayant fait leur preuve ailleurs qu’en Afrique, renvoient à la pensée politique de François Mitterrand et à son itinéraire personnel qui l’a conduit à se familiariser avec les problèmes   du Continent. En se faisant le défenseur de la démocratie, en voulant démontrer qu’elle porte en elle les valeurs de bien-être et de progrès, François Mitterrand a voulu communiquer son enthousiasme pour une forme d’organisation et de gouvernement dans laquelle chacun pouvait se reconnaître. L’humaniste qu’il était, pétri d’idées de liberté, favorable à la pleine expression de la citoyenneté, ne pouvait que s’identifier aux objectifs   tracés à La Baule. Mais à ses yeux et les explications de texte auxquelles il s’est livré ultérieurement  en  ont   attesté, le cap vers la démocratie devait être atteint par étapes, étant entendu que des phases de transition devaient être mises à profit pour préparer progressivement les sociétés africaines à entrer en démocratie, « chacune à son rythme » en fonction de son histoire, de ses traditions et de sa culture. Il s’agissait ainsi de promouvoir « la société civiquement organisée » en utilisant l’art du compromis non pas sur les principes (universels) mais sur les faits. Sa prudence procèdait de la certitude que dans sa formulation générale, la  démocratie ne saurait se limiter à une forme particulière de régulation politique. Elle suppose aussi un type spécial d’individus et de vie en société, une relation radicalement nouvelle à tout pouvoir.

 

Là où François Mitterrand s’était voulu surtout pédagogue, une grande partie de la classe politique africaine, et avec elle la majorité de la population, a perçu une volonté de rupture avec une politique française qui au fil des ans et des pratiques interventionnistes s’était compromise avec des pouvoirs dépourvus de toute légitimité et dont l’arbitraire était la loi. De là à s’imaginer que le discours de La Baule était un discours d’action et que la doctrine démocratique qui y était énoncée ouvrait rapidement la voie à une ère nouvelle susceptible de raviver les espoirs qu’avait suscités l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981, il n’y avait qu’un pas que les forces de progrès ont allègrement franchi. Partant de là le désenchantement fut à la mesure du malentendu originel sur le sens et la portée des déclarations de François Mitterrand[14].

 

A La Baule, le Président français avait en fait exprimé une double conviction. La première,  que  l’Afrique  ne  pouvait  être  en  reste  de  la  formidable  accélération de 

l’Histoire qui s’était produite après 1989 et que les modes de gouvernement qui y étaient installés étaient désormais en décalage avec les aspirations universelles à plus de liberté. La seconde conviction était que cette évolution vers des systèmes plus ouverts où le choix des dirigeants se ferait par le suffrage universel devait s’opérer consensuellement, en préservant la cohésion de nations encore fragiles. L’obsession de l’instabilité qui serait synonyme de chaos mais aussi d’échec de la France n’a pas été étrangère au refus qu’il opposera à forcer le cours des événements dans les pays où les processus de transition ont été menacés. La vision « évolutive » et pacifique de la démocratie qu’incarnait François Mitterrand s’est très vite heurtée d’une part, à la capacité de résistance de certains pouvoirs en place qui   sont parvenus à dévoyer le pluralisme, d’autre part, à la pressante demande de changement exprimée par les peuples.

 

Doit-on  conclure que de l’élan de La Baule, il n’est rien resté ? Loin s’en faut. Et l’on touche là à la forte charge symbolique qu’ont revêtue les déclarations de François Mitterrand à La Baule. Mieux encore, on peut aller jusqu’à dire que dans l’histoire des relations entre la France et l’Afrique il y a un avant La Baule et un après La Baule. A défaut d’avoir provoqué des changements radicaux dans la politique africaine, le discours de François Mitterand a contribué à conforter les aspirations démocratiques en Afrique, voire à « légitimer » des revendications qui jusque là relevaient de l’impensable politique. Les oppositions africaines ne s’y sont pas trompées qui ont retenu des déclarations du Président français le caractère irréversible des processus de démocratisation, et la justification de leur contestation.

 

A bien des égards le discours de La Baule a créé une atmosphère politique nouvelle rendant inéluctable la mise en place progressive d’instruments garantissant au moins formellement l’exercice des libertés et jetant les bases d’un état de droit. Dans ce même ordre d’idées, l’esprit de La Baule n’a cessé de planer sur la coopération franco-africaine, en renouvelant certaines de ses modalités et en permettant de formuler des exigences (de transparence des scrutins, de moralisation de la vie publique ou de soutien à la vie civile) qui tranchaient avec le conformisme antérieur.

 

Si La Baule n’a pas provoqué à l’époque le tournant souhaité dans la politique africaine de la France, son onde de choc n’a depuis lors cessé de se manifester. Elle a d’une façon diffuse inspiré des approches et des pratiques qui répondent davantage aux attentes des africains. Pour se convaincre de la force du message de 1990 il suffit d’observer l’acharnement avec lequel, huit ans après, les nostalgiques (français et africains) de l’idée d’Empire et de son avatar qu’a été le système de coopération mis en place en 1960, continuent de s’en prendre à un discours jugé responsable à leurs yeux de tous les malheurs de l’Afrique.

 

Force est d’admettre que les déclarations de François Mitterrand de 1990 n’ont pas épuisé tous leurs effets. Il n’est jusqu’à la toute récente réforme du dispositif français de coopération qui ne s’inscrive dans la dynamique d’un discours qui à défaut d’avoir eu une prise directe sur le cours des événements a permis de fixer des points de repère sur l’instauration de la démocratie. L’un de ses mérites, et pas des moindres, est d’avoir solennellement affirmé le caractère universel des principes et règles qui fondent toute démocratie et qui s’articulent autour de la primauté du suffrage universel, de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice, de la garantie des libertés d’expression et du respect des droits de l’homme.


[1] DIOUF (Mamadou). Libéralisations politiques ou transitions démocratiques : Perspectives africaines. Communication présentée au cours de la 8ème Assemblée générale du CODESRIA (26 juin-2 juillet 1995). Dakar.

[2] Pour un bilan global de ces processus de démocratisation. Cf  D. BOURMAUD. La Politique en Afrique. Paris. Ed. Montchrestien 1998. pp. 131 et ss.

[3] Les « Sommets » France-Afrique, organisés tous les deux ans et alternativement en France et dans une capitale africaine, donnent le ton des relations franco-africaines. Leur ordre du jour et les rencontres informelles auxquelles ils donnent lieu en font désormais le rouage politique par lequel Paris passe pour maintenir la cohésion de son « Pré carré » et « tester » les tentatives d’ouverture en direction des autres aires linguistiques.

[4] Cf. Allocution prononcée par Monsieur François Mitterrand, Président de la République, à l’occasion de la séance solennelle d’ouverture de la 16ème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique à la Baule. Mercredi 20 juin 1990. Document ronéoté et publié par le Service de Presse de la Présidence de la République. 16 pages.

[5] Si le Président sénégalais, Abdou Diouf, s’était félicité publiquement du plaidoyer en faveur de la démocratie de même que Juvenal Habyarimana du Rwanda, d’autres Chefs d’Etat s’en inquiétèrent et émirent des doutes sur le bien fondé et l’opportunité de la « leçon administrée » par le Président français. Le roi Hassan II du Maroc se fera le porte parole du groupe de dirigeants qui trouva « excessif » le ton utilisé par François Mitterrand : parmi eux se trouvaient, entre autres, le général Eyadema du Togo et Hissène Habré du Tchad.

[6] Dans sa Conférence de presse de clôture du Sommet de la Baule le Président de la République française « évacuera » toutes les questions sur un  « prétendu désaccord » à propos de son exposé sur la démocratie. Un an plus tard à Paris, lors du Sommet de la Francophonie, François Mitterrand apparut plus prudent sur les « réformes à introduire » pour que Démocratie et Développement agissent en synergie. Dans le discours prononcé à Biarritz, en novembre 1994, François Mitterrand, tout en exprimant sa foi dans l’Afrique et dans l’inaltérabilité de la politique africaine de la France, (« la France ne serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde si elle renonçait à être présente en Afrique, aux côtés des Africains »), fera l’impasse sur les questions politiques et le terme même de « démocratie » ne sera utilisé qu’une seule fois, renvoyant sur le sujet à son discours de la Baule de 1990.

[7] Dans son roman Grand amour. Paris Seuil 1993 Erik Orsenna, ancien conseiller du Président français, a relancé les nombreuses spéculations sur  la paternité du projet de discours de la Baule. En suggérant qu’il en était l’auteur il est venu s’ajouter à la liste des collaborateurs de François Mitterrand qui, à une occasion ou une autre, ont revendiqué une part de responsabilité dans la préparation du discours « fondateur » de 1990.

[8] Divers ouvrages, dont celui de P. FAVIER et M. MARTIN ROLAND. La décennie Mitterrand. 1 Les ruptures.  Paris. Seuil  1993, ont évoqué les débats qu’a suscité le discours de la Baule au sein du gouvernement français, et le clivage qui s’est vite dessiné entre les partisans de la continuité de la politique africaine de la France et ceux qui prônaient  une rupture de la ligne suivie jusque là. Dans un ouvrage paru récemment, A propos de la France. Paris. Flammarion 1998, Pierre Joxe confirme que certains ministres dont lui-même et Jean Pierre Chevénement, alors Ministre de la défense, avaient plaidé pour un changement radical dans les relations franco-africaines, et pour une application à la lettre des orientations contenues dans le Discours de la Baule (pp 71et ss.)

[9] Il existe une abondante littérature sur la question, synthétisée par Ph. MARCHESIN in « Mitterrand et l’Afrique ». Politique africaine. N° 58. Karthala. Juin 1995. pp 5-24.

[10] Comme Ministre de la France d’Outre Mer, François Mitterrand sera, en 1951, l’artisan de la rupture de l’apparentement du Rassemblement Démocratique africain (RDA), la principale formation politique africaine, avec le PCF. Il s’ensuivit une normalisation des relations entre l’un des principaux fondateurs du RDA, Félix Houphouet Boigny, et l’administration coloniale. Par la suite, celui qui sera, en 1960, le premier Président de la République de Côte d’Ivoire, entretiendra des rapports difficiles avec le Chef de l’Etat, François Mitterrand, avec en point d’orgue une quasi rupture, en 1985, provoquée par la parution, dans une publication du parti socialiste français, d’une violente critique du régime ivoirien.

[11] Dans deux ouvrages, l’un paru en 1953, Aux frontières de l’Union française (Julliard. Paris), l’autre en 1957, Présence française et abandon (Plon. Paris), François Mitterand se montre tout à la fois très critique à l’égard de l’ordre colonial et partisan acharné de la construction d’une relation étroite (et sentimentale) entre la France et l’Afrique. Ce projet est résumé dans deux phrases célèbres du répertoire politique « mitterrandien » : « Sans l’Afrique il n’y aura pas d’Histoire de France au 21ème siècle… », « Il ne pourra y avoir d’Histoire authentique de l’Afrique si la France en est absente. »

[12] La contestation politique a été du reste bien antérieure au Sommet de la Baule. Bien des événements ont eu lieu au cours du premier semestre de 1990, dont le plus important aura été la tenue, en février, de la Conférence nationale du Bénin qui allait ouvrir la voie à une transition dont l’exemplarité sera brandie par les forces politiques d’autres pays africains. Le 30 avril 1990 marquera également la consécration du multipartisme en Côte d’Ivoire.

[13] Elle instaurera le régime d’autonomie qui sera le prélude à la mise en place de nouvelles institutions locales  (Conseils de gouvernement, Assemblées législatives) et à l’accession des pays membres de la Communauté de 1958 à la souveraineté internationale.

[14] Les événements du Togo de décembre 1991 et les multiples entraves (manifestes et sanglantes) que le général Eyadema multipliera à l’encontre de la transition inaugurée dans ce pays, quelques mois plutôt, par la Conférence nationale, n’entraîneront que des réactions timorées de la part de Paris. Cette passivité sera perçue comme un soutien aux agissements du Président togolais. Voir à ce propos J.R. HEILBRUN et C. M. TOULABOR « Une si petite démocratisation pour le Togo… » Politique africaine N° 58. Juin 1995. pp 85-100.

 

 

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