Revue française de Droit constitutionnel 2002 N° 52

La nature des régimes politiques et l’ordonnancement constitutionnel ont été, au cours des dernières années (et singulièrement depuis 1990-1991) au centre des débats politiques en Afrique. Le souvenir des turpitudes de trois décennies d’exercice autoritaire du pouvoir a conduit, ce qu’on pourrait appeler pour la commodité de l’exposé, les forces du changement, à prêter une attention plus soutenue à l’élaboration des nouvelles règles constitutionnelles[1]. Un peu partout sur le Continent, et quel que soit le mode de transition[2] utilisé, l’objectif était le même : créer les conditions de construction d’un nouvel édifice institutionnel garant de l’équilibre des pouvoirs et de l’instauration de l’Etat de Droit[3]. La Constitution, désormais considérée comme le dernier rempart contre les dérives « présidentialistes » de naguère, devait ainsi permettre d’assurer le respect des libertés fondamentales et le bon fonctionnement du pluralisme retrouvé.

L’autorité  conférée à la Constitution, comme fondement du pouvoir, donne désormais tout leur sens aux principes et à un ordonnancement empruntés à la Constitution de la Vème République. Il en est ainsi également des règles de séparation des pouvoirs, de l’affirmation plus marquée du pouvoir judiciaire ou encore de la consécration du poste de Premier Ministre et de la délimitation des domaines respectifs de la loi ou du règlement[4].

L’influence de la Vème République sur les systèmes politiques africains francophones, plus de quarante après la promulgation de la Constitution du 4 octobre 1958, renvoie inévitablement aux origines mêmes du constitutionnalisme africain. Le processus d’accession à l’indépendance des anciennes colonies françaises, loin d’être freiné par la création, en 1958, de la Communauté, comme on aurait pu  a priori le penser,  s’est accéléré avec la mise en place des nouvelles institutions. Il s’est en fait engagé dès le début de 1960   avec la proclamation de l’indépendance de la Fédération du Mali.[5]

Les liens avec la France restant très forts, la culture politique et juridique des nouveaux dirigeants africains étant avant tout française, (la plupart d’entre eux l’avaient acquise sur les bancs des Assemblées ou dans les rangs des gouvernements français), tout concourt à expliquer que les premières constitutions africaines furent le plus souvent, à quelques variantes près, un simple décalque du texte de 1958.

S’il en est allé ainsi, c’est aussi pour des raisons politiques : le système créé  à partir des idées exprimées  depuis longtemps par le général de Gaulle convenait parfaitement aux premiers présidents africains qui se voyaient ainsi, en toute légitimité successorale, investis de pouvoirs très importants,  leur permettant, entre autres, de canaliser le travail des jeunes Assemblées parlementaires.

L’édifice était pourtant fragile et, dans la plupart des cas, la greffe – plus téméraire sans doute qu’on ne l’avait imaginé – ne prit pas[6].  Très vite, les constitutions furent mises en sommeil, quand les gouvernements civils n’étaient pas tout simplement renversés par des coups d’Etat. Le parti unique s’est  finalement imposé partout, y compris dans les pays qui, comme la Côte d’ivoire, avaient gardé le principe du pluralisme politique dans leur constitution.

Le mouvement fut tellement général qu’il suscita des réflexions plus ou moins désintéressées sur le pouvoir en Afrique, sa nature et son exercice. L’inspiration française étant, tout compte fait, le legs d’une histoire assez récente, c’est dans l’Afrique profonde qu’il fallait également rechercher les  racines d’une démocratie « authentique », terme dont le substantif servira bientôt de slogan. Or le chef africain, s’il ne cesse de s’entourer de conseillers, s’il use et abuse de la palabre, s’efforçant ainsi de parvenir au consensus le plus large, ne se soumet à personne : en définitive, c’est lui, et lui seul, qui décide[7]. L’ancien Président sénégalais lui-même, Léopold Sédar Senghor,   entonnera cette antienne et la résumera ainsi : « il n’y a pas de place pour deux caïmans dans un même marigot ».

Si l’objectif que s’étaient assignés les jeunes Etats, promouvoir un développement rapide de leurs sociétés au plan économique et  social, avait été atteint, les nouveaux régimes auraient peut être  perduré et  le pluralisme politique,  parfois décrit comme un luxe,  n’aurait guère été d’actualité. Or il n’en fut rien et l’échec de l’autoritarisme  fut à la mesure de l’aggravation de la situation économique de la quasi totalité des pays africains et, pire encore, des difficultés de survie qu’ont souvent connues les populations du Continent.

Même si le retour du constitutionnalisme en Afrique francophone n’a pas toujours coïncidé avec la vague mondiale de démocratisation qui a suivi la chute du Mur de Berlin, c’est toutefois à partir de 1990 que le mouvement va se généraliser. Il a  ouvert la voie à un constitutionnalisme porté à la fois par un réveil de la société civile, des « forces vives » de la Nation comme on disait alors à Madagascar, et par des exigences toujours plus pressantes des bailleurs de fonds internationaux., soucieux de la sécurité des investissements.

Avec les nouvelles constitutions, les régimes politiques se sont diversifiés  et   certains d’entre eux se sont éloignés du modèle français de 1958. Mais quelle que soit leur variété, ces constitutions demeurent, notamment  dans les techniques mises en œuvre, très marquées par  la Constitution de 1958[8]. Elles reproduisent souvent ses équilibres  et s’attachent à reprendre les règles éprouvées du parlementarisme rationalisé.

Mais par delà ce mimétisme qui ne se réduit plus au seul modèle français (les emprunts sont désormais plus diversifiés, et ils sont tout autant africains que non africains), le nouveau constitutionnalisme africain[9] s’incarne dans un double mouvement indissociable l’un de l’autre. Il s’agit d’une part de l’irruption du constitutionnalisme dans le  débat démocratique, d’autre part de la consécration de la justice constitutionnelle. Mais la réalité de ces changements ne saurait dissimuler les multiples ambiguïtés qui entourent encore le discours sur la légalité constitutionnelle[10] et les non moins nombreux artifices dont est parfois parée la référence constante à l’Etat de droit.

I – L’IRRUPTION DU CONSTITUTIONNALISME DANS LE DEBAT DEMOCRATIQUE.

C’est  dans la force du droit que les acteurs politiques engagés dans les processus de démocratisation ont tenté de trouver les voies et les moyens d’introduire de véritables changements. En témoigne, par exemple, la grande place qu’ont occupée les questions constitutionnelles lors des travaux des Conférences  Nationales[11] censées marquer la rupture avec l’ordre politique ancien, ou encore les débats houleux, parfois controversés et toujours passionnés auxquels a partout donné lieu la rédaction des nouvelles Lois fondamentales[12]. Dans pareils cas (au Bénin, au Mali, au Congo ou du moins dans la version politique antérieure à la guerre civile de 1997, voire à Madagascar), les nouvelles constitutions ont inauguré « l’ère de la démocratie »  et ont  été  le  prélude  à  la  mise en place des institutions

pluralistes et à la tenue des scrutions présidentiels, législatifs et communaux.

Ailleurs, notamment dans les pays où il n’y eut pas de Conférence Nationale (Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun),  les changements politiques ont été mesurés, à  différentes périodes, soit à l’aune des révisions constitutionnelles, même lorsque celles-ci portaient en fait la marque de simples aménagements techniques, soit par l’adoption de nouvelles constitutions.  En Côte d’Ivoire, la décision prise, le 30 avril 1990, par l’ancien Président  Félix Houphouët Boigny, d’instaurer le multipartisme a simplement conduit à légaliser les partis politiques sur la base de l’article 7 de la Constitution, tel qu’il était  libellé depuis 1960[13]. C’est à une démarche identique qu’a procédé le pouvoir camerounais, en annonçant son intention de reconnaître le multipartisme. Dans ce pays, comme en Côte d’Ivoire, le système de parti unique, ayant eu cours pendant près de trente ans, n’avait aucun fondement constitutionnel, contrairement à ce qui était le cas dans la plupart des autres Etats africains.

A la limite, la nature (présidentielle, semi-présidentielle ou même parlementaire)  du régime instauré par les textes constitutionnels adoptés dans le sillage des processus de démocratisation importe peu. Qu’ici ou là, les pouvoirs du Président de la République soient étendus  ou réduits au profit du  Premier Ministre  n’a guère d’importance dès lors que la Constitution prévoit des contre-pouvoirs et que ces derniers sont en mesure de jouer, pour défendre la primauté du Droit.

A – LA POLITISATION DES DEBATS CONSTITUTIONNELS.

Il est révolu le temps où les dirigeants ne tenaient aucun compte des aspirations de leurs peuples et considéraient comme des « chiffons de papier » les constitutions et les règles fondamentales qui y étaient énoncées. Les constitutions pour cohérentes, voire séduisantes qu’elles étaient sur le plan formel et sur celui de l’affirmation ou de la consécration des grands principes – reprenant parfois à la lettre des articles de la Constitution française du 4 octobre 1958 – étaient dans la pratique réduites à leur plus simple expression. Cela était d’autant plus vrai que les régimes militaires qui succédèrent souvent aux pouvoirs civils n’éprouvèrent guère le besoin, du moins dans un premier temps, de parachever leur victoire politique, par l’adoption de nouvelles constitutions. De nombreux pays, comme le Bénin ou le Congo (Brazzaville), vécurent longtemps sous le règne des ordonnances provisoires qui pour l’essentiel conféraient le pouvoir à un homme ou à un groupe de militaires[14]. Tel n’est plus le cas désormais.

Outre qu’elles consacrent le phénomène pluraliste et  l’avènement de l’Etat de droit, les nouvelles constitutions sont devenues des références majeures dans la vie politique. Leur respect est souvent au centre des débats politiques, et leur violation éventuelle est de plus en plus  contestée publiquement, voire sanctionnée par les juridictions constitutionnelles même lorsqu’elle est le fait de l’Exécutif et tout particulièrement du Président de la République.

Ce qui était impensable il y a seulement quelques années est devenue monnaie courante aujourd’hui. Les constitutions sont désormais perçues pour ce qu’elles sont, pour ce qu’elles auraient toujours dû être : le fondement de toute activité étatique. C’est à partir des nouvelles règles qu’elles sont venues poser, et des compétences qu’elles ont fixées, que la vie politique s’ordonne et que les différents scrutins sont  organisés. Cette réalité tranche avec la désinvolture que les dirigeants affichaient jusque là à l’égard des textes considérés au mieux comme des concessions faites au   discours sur la légalité  constitutionnelle attendu par les bailleurs de fonds internationaux, au pire comme de simples faire valoir juridiques.

Dans un contexte de «juridicisation des débats politiques »[15], l’affirmation constitutionnelle des droits et libertés des citoyens prend un autre relief. Au delà de la charge  symbolique de telle ou telle disposition constitutionnelle (comme par exemple celle qui reconnaît « le droit de désobéissance et de résistance des citoyens à l’égard d’une autorité illégitime issue d’un coup d’Etat »), les articles relatifs à la protection des Droits de l’Homme, comme ceux concernant les mécanismes prévus pour en assurer le respect, participent de la confiance désormais placée dans la norme juridique.

Même lorsque la tentation est forte chez certains dirigeants de revenir à des pratiques autoritaires  et de s’octroyer des attributions plus larges, ils sont le plus souvent contraints de leur conférer un fondement juridique et de leur donner une apparence de conformité avec la Constitution. On constate ainsi depuis deux ou trois ans une tendance à remettre en cause quelques acquis politiques de la période de  contestation des pouvoirs personnels. Une fois encore – et sans nécessairement y voir, comme naguère, le signe irréversible d’une dévalorisation pérenne du droit – de telles pratiques  montrent que les risques d’une instrumentalisation de la Constitution  sont réels. La logique de restauration de l’autoritarisme qui semble poindre, ici ou là, n’a cependant pas, pour l’heure du moins, remis en question le primat de l’ordonnancement juridique sur l’ordonnancement politique.

Au Gabon, au Burkina Faso, au Cameroun,  au Sénégal et en Côte d’Ivoire, pour ne prendre que ces exemples, la Constitution a été ainsi remaniée à plusieurs reprises au cours des dernières années, notamment dans ses dispositions touchant tantôt à la durée du mandat présidentiel (passant le plus souvent de 5 à 7 ans), tantôt au nombre de mandats que le Président de la République peut accomplir, tantôt aux rapports entre ce dernier et le Premier ministre, ou tout simplement entre l’Exécutif incarné par le seul Chef de l’Etat et le Parlement..

A cet égard, le but recherché est de lever l’obstacle du nombre limité de mandats présidentiels (deux, en général) que les constituants, surtout lorsqu’ils intervenaient dans le cadre d’une Conférence Nationale, avaient voulu instaurer. La voie parlementaire utilisée pour retoucher la Loi fondamentale (même lorsque la majorité à la Chambre des députés est du même bord politique que le Président) n’a pas étouffé le débat sur la question, encore moins fait taire les critiques que celle-ci peut provoquer. Cette évolution n’est sans doute pas étrangère à l’émergence de scènes politiques plus ouvertes, où les partis, à défaut d’être toujours représentés au Parlement, ont une grande capacité de mobilisation, elle-même relayée par une presse plus libre et plus audacieuse. Il n’est plus rare que les questions constitutionnelles figurent parmi les principaux sujets de contestation et qu’elles provoquent même des manifestations populaires ou des marches de protestation. Ce fut notamment le cas en Côte d’Ivoire, en 1998. A l’appel des principales formations d’opposition,  plusieurs milliers de manifestants ont ainsi défilé cette année là dans les rues d’Abidjan pour protester contre la modification de la Constitution. Cette contestation visant une vaste réforme de la Constitution introduite par le Chef de l’Etat ivoirien (pas moins d’une cinquantaine d’articles sur les 76 que comptait la Loi fondamentale étaient concernés) illustrait les progrès enregistrés sur le terrain  de la légalité constitutionnelle. Pendant plusieurs mois, les partis politiques d’opposition ont porté sur la place publique leur querelle avec le pouvoir, à propos notamment de l’extension des compétences du Chef de l’Etat, prévue par le projet de révision de la Constitution.

Ce qui est intéressant à relever ici, c’est moins la teneur des  dispositions de la Constitution ivoirienne révisée, qui faisaient du Président « détenteur exclusif du pouvoir exécutif » un monarque républicain, que la référence permanente à la Loi fondamentale. Cette dernière est devenue au fil des ans  en elle-même un véritable enjeu politique, et cette évolution est  révélatrice de la perception que l’opinion africaine en général et les acteurs politiques en particulier ont des lois fondamentales[16]. A défaut d’être en mesure d’empêcher l’Assemblée, au sein de laquelle le parti « présidentiel » est largement majoritaire, de voter le projet de loi portant révision de la Constitution soumis par le Président de la République, les députés de l’opposition ont mené une véritable guérilla  parlementaire, notamment au sein de la Commission des affaires générales et institutionnelles.

C’est également du «calcul politicien » destiné à conforter la prépondérance présidentielle que ressortissaient les nombreuses révisions qu’avait subies la Constitution camerounaise de 1972. A plusieurs reprises, et notamment en 1975, en 1979, en 1989 et en 1984, la Loi fondamentale a été remaniée dans ses dispositions concernant les rapports entre le Président de la République et le Premier ministre, dans le seul but de prémunir le premier contre toute velléité « d’autonomie politique » du second. Deux ans à peine après avoir en tant que Premier ministre succédé de plein droit, et jusqu’au terme de son mandat, au Chef de l’Etat démissionnaire, Paul Biya supprimera purement et simplement la fonction. Contraint en 1991 d’amender la Loi fondamentale, dans le sens d’un fonctionnement pluraliste des institutions (le gouvernement était désormais responsable devant le Parlement) ce dernier s’est efforcé, par la révision du 18 janvier 1996, d’affirmer son autorité sur « le chef du gouvernement  qui est chargé (article 11 alinéa 1) de la mise en œuvre de la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République »[17].

Les événements de Côte d’Ivoire d’octobre 2000 et l’alternance intervenue au Sénégal ont une nouvelle fois démontré l’irruption du constitutionnalisme dans le débat politique. En Côte d’Ivoire, c’est autour du contenu de la Constitution (notamment à propos des conditions d’éligibilité à la Présidence de la République prévues à l’article 35) que s’est cristallisée la crise politique.  Par delà la solution finalement retenue dans le projet soumis au referendum le 23 juillet 2000 (adopté à plus de 86 % des suffrages exprimés) et la controverse autour de la mise à l’écart de certains candidats, cette phase constitutionnelle a constitué le temps fort des changements qui ont abouti à l’élection d’un nouveau Président de la République, le 22 octobre 2000. Au Sénégal, l’adoption d’une nouvelle Constitution a symbolisé la promesse « d’une nouvelle ère politique » faite par le nouveau Chef de l’Etat, Abdoulaye Wade.

Ces péripéties qu’ont connues les institutions ivoiriennes, camerounaises, voire gabonaises ne sauraient toutefois faire oublier que l’un des principaux acquis du mouvement constitutionnel engagé à partir de 1990-1991 est bel et bien l’avènement de l’Etat de droit. Si à bien des égards les constitutions de la période considérée n’innovent pas dans leur formulation par rapport aux textes anciens,  elles s’en différencient par la force (pratique) désormais attachée aux règles de droit qui y sont énoncées. Certes, un examen exhaustif des situations qui prévalent en Afrique subsaharienne fait encore ressortir de nombreux manquements à l’Etat de droit, et autant d’atteintes aux libertés individuelles et collectives. Ici et là, les belles proclamations sur le respect des Droits de l’Homme, sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, ou encore sur la portée du suffrage universel continuent de se heurter à des réalités moins nobles. L’actualité la plus immédiate nous offre, hélas, de nombreux exemples de pratiques contrevenant à la liberté d’expression ou à  l’égal  accès  à  la  justice, et  qui,  d’une manière plus générale, sont à l’opposé des lois les plus élémentaires de la démocratie.  Mais ces maux, pour réels qu’ils soient et que reflètent les nombreux dysfonctionnements des appareils judiciaires, ne doivent pas masquer  le nouveau pas franchi par l’instauration de juridictions constitutionnelles. Ces dernières ont petit à petit réussi à s’imposer face à des Exécutifs désormais plus attentifs à leurs prérogatives, et à faire valoir à travers  leurs décisions, désormais suivies d’effets, la suprématie de la Constitution – ce qui n’a pas empêcher une prééminence récurrente de la fonction présidentielle.

B – L’affirmation de la prééminence présidentielle.

La prééminence du Président de la République dans le constitutionnalisme « démocratique » africain renvoie à première vue à ce qui était prévu dans les Lois fondamentales de l’époque autoritaire. Aujourd’hui comme hier, et à quelques différences près (concernant notamment la durée du mandat présidentiel et la clause de limitation des mandats), la fonction présidentielle est au cœur du dispositif institutionnel. Le statut et les vastes attributions qu’elle recouvre illustrent toujours le rôle essentiel dévolu à l’Exécutif (qu’il soit bicéphale ou monocéphale) dans la nouvelle répartition des pouvoirs. Mais cette similitude formelle ne rend pas compte de tous les changements induits par le nouvel ordonnancement constitutionnel. Sous l’effet du pluralisme incarné, entre autres, par une représentation parlementaire reflétant mieux les diverses sensibilités politiques, de l’émergence des libertés publiques, et de l’affirmation du pouvoir judiciaire, l’exercice du pouvoir obéit désormais à des paramètres qui n’avaient guère cours précédemment.

Dans les textes, mais aussi et surtout dans la pratique, le Chef de l’Etat doit aujourd’hui composer avec un Parlement (le plus souvent monocaméral) doté d’une légitimité conférée par le suffrage universel, et avec un pouvoir judiciaire, en général la justice constitutionnelle, qui est parvenue à imposer son indépendance au pouvoir politique[18]. La diversité et les incertitudes des compétitions électorales ont, de fait, transformé tout le paysage institutionnel et instauré des contraintes dans l’exercice du pouvoir. Même là où  la réalité politique demeure encore bien éloignée des règles constitutionnelles, l’existence de contre-pouvoirs, stimulés par exemple par l’exercice réel des certaines libertés, permet éventuellement d’atténuer les excès de l’autoritarisme.

En règle générale, les nouvelles constitutions ou les révisions constitutionnelles[19] mises en œuvre dans le sillage des processus de démocratisation donnent toujours la préséance au pouvoir exécutif incarné essentiellement par le Chef de l’Etat. La place de ce dernier y est d’autant plus prépondérante que sa légitimité se fonde désormais sur une élection au suffrage universel prêtant  moins à contestation qu’à l’époque du parti unique. Le rôle du Président de la république va bien au delà de la fonction d’arbitre retenue par la Constitution française de la Vème République[20] et que vient relativiser, en certaines circonstances politiques, la place accordée au gouvernement.

Les dispositions relatives au Président de la République renvoient pour l’essentiel à ce qui est inscrit dans la plupart des Constitutions modernes. C’est vrai aussi bien du statut que du mode d’élection (au suffrage universel), ou encore des attributions classiques dévolues au Chef de l’Exécutif. On y retrouve les mêmes formulations que dans la Constitution française  – elles étaient déjà présentes dans les textes adoptés au lendemain des indépendances.  En tant que « gardien de la Constitution, il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat ». Le mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois est aujourd’hui la règle. Celle-ci souffre encore de quelques rares exceptions tant en ce qui concerne la durée du mandat que la clause restrictive du nombre de mandats (au Gabon, par exemple, le Président de la République est élu pour sept ans et rééligible sans limitation).

Les constitutions font du Chef de l’Etat la clé de voûte de l’édifice institutionnel. Ses attributions recouvrent la présidence habituelle du Conseil des Ministres et font de lui le chef des armées et le président du Conseil supérieur de la Magistrature. Il peut sous réserve de la consultation de certaines autorités (le plus souvent le Premier Ministre et le Président de l’Assemblée Nationale) prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale.

Dans tous les cas, la prépondérance présidentielle ressort aussi des pouvoirs qui reviennent au Chef de l’Etat dans « les circonstances exceptionnelles », identiques à celles de l’article 16 de la Constitution française. C’est de la même logique de l’affirmation de la fonction de Chef de l’Etat que procède la faculté qui lui est reconnue, selon, par exemple, la Constitution malienne significative d’une tendance générale, de recourir au referendum, sous réserve de certains avis pour « toute question d’intérêt national, tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics… »

Toutefois, les attributions du Président de la République, aussi étendues soient-elles, doivent désormais être appréciées à l’aune des prérogatives reconnues au gouvernement et surtout au Premier Ministre. La consécration du poste de Premier Ministre, après les expériences vite refermées de successorat présidentiel au Sénégal et au Cameroun[21], constitue l’une des innovations principales du nouveau constitutionnalisme africain. Si ce changement institutionnel ne remet pas fondamentalement en cause le rôle essentiel du Chef de l’Etat, que l’actuelle Constitution ivoirienne[22] du 1er août 2000 désigne encore comme le « détenteur exclusif du pouvoir exécutif » (article 41 alinéa 1), il ouvre néanmoins la voie (encore timide) à un rééquilibrage au sein de l’Exécutif.

A s’en tenir à la lettre de la plupart des  constitutions, le Premier Ministre et le gouvernement ont vocation à exercer leurs compétences sous l’autorité du Président de la République. Même  si les formules retenues pour exprimer cette primauté varient d’une constitution à une autre, elles traduisent toutes, parfois de manière confuse, le souci de préserver l’autorité présidentielle.

Il existe, en gros, deux cas de figure. Le premier reprend, sinon la lettre exacte, du moins l’esprit de l’article 20 de la Constitution française de 1958, mais au profit du Chef de l’Etat. Si les Constitutions ivoirienne et sénégalaise ne s’embarrassent pas de formules alambiquées pour affirmer, l’une que « le Président de la République détermine et conduit la politique de la Nation », l’autre « qu’il détermine la politique de la Nation », la plupart des autres textes utilisent d’autres rédactions pour aboutir au même résultat. C’est le cas de la Constitution du Burkina Faso où le Chef de l’Etat « fixe les grandes orientations de la politique de l’Etat », de celle du Cameroun où « il définit la politique de la Nation », ou encore de celle du Gabon qui dit que « le gouvernement conduit la politique de la Nation sous l’autorité du Chef de l’Etat et en concertation avec lui ».

Le second cas de figure concerne les lois fondamentales (congolaise, avant la guerre civile de 1997, malgache, malienne, nigérienne et togolaise) qui octroient au gouvernement des pouvoirs qui se situent un peu dans la lettre et l’esprit de l’article 20 de la Constitution française. Mais la portée de telles dispositions doit être reliée au contexte de politique intérieure dans lequel les Constitutions ont été préparées et adoptées. Elles traduisaient, lors de leur élaboration, plus une défiance à l’égard des pouvoirs contestés  ou renversés qu’elles n’impliquaient, comme la pratique ultérieure l’a montré, une réelle volonté de bouleversement institutionnel.

Pour le constituant africain il importait peu que la rédaction des dispositions relatives aux rapports entre le Président de la République et le gouvernement puissent prêter à diverses interprétations. L’essentiel était d’en préserver l’esprit, à savoir que le Premier Ministre et le gouvernement ont avant tout en charge la gestion quotidienne de l’Etat. C’est dire qu’on était  loin, originellement au moins, d’une formulation à la française induisant une réduction des pouvoirs du Président de la République et l’instauration d’une sorte de  dyarchie  de l’Exécutif.

Mais d’une manière générale et quel que soit le libellé retenu, la portée de cette constitutionnalisation du Premier Ministre, chef du gouvernement, demeure très limitée. Dans les faits, et ce constat est vrai pour la totalité des Etats, le Premier Ministre reste dans une situation de dépendance politique par rapport au Chef de l’Etat. Ce dernier est le plus souvent le chef du parti majoritaire dans le pays et à l’Assemblée Nationale et celui dont le Premier Ministre est presque toujours issu. Pour bien marquer son emprise politique, le Président de la République n’hésite d’ailleurs pas à conserver la direction de son parti, et à assurer ainsi la répartition des rôles au sein du gouvernement.

Une cohabitation à la française, pour possible qu’elle soit dans l’absolu,  est restée rare en Afrique subsaharienne. Si Madagascar et le Bénin (il est vrai dans un contexte institutionnel très différent pour ce dernier pays[23]) l’ont expérimentée sans accroc majeur pour le second au moins, il n’en fut pas de même au Niger sous l’empire de la Constitution adoptée le 26 novembre 1992. Le conflit permanent entre les pôles de l’Exécutif, issus de familles politiques différentes, a très vite conduit à une impasse institutionnelle[24] et a surtout ouvert la voie à un coup d’Etat militaire, en janvier 1996. Après un intermède de trois ans d’un pouvoir d’exception où, selon la Constitution qui le régissait, « le Président de la République est le chef du gouvernement » (article 46) « et nomme le Premier Ministre et les membres du gouvernement », le Niger s’est doté en août 1999 d’une nouvelle Constitution.[25] Celle-ci revient certes à une formulation plus classique des attributions du Président de la République et du Premier Ministre mais elle mentionne de nouveau que le Premier Ministre « chef du gouvernement, dirige, anime et coordonne l’action gouvernementale » (article 59, alinéa 2). Elle précise également (article 61) que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».

Malgré toutes les précautions prises pour préserver la fonction présidentielle et en affirmer la primauté au sein de l’Exécutif, voire dans les rapports  avec le pouvoir législatif, rien pourtant n’exclut à terme  une évolution dans un sens plus conflictuel des rapports entre le Président de la République et le Premier Ministre, dans les systèmes politiques africains. Celle-ci semble même  être inscrite dans le processus de maturation du pluralisme actuellement en cours, avec en arrière plan des compétitions électorales plus ouvertes et donc des renversements de majorité à l’occasion de scrutins législatifs. La constitutionnalisation du poste de Premier Ministre, chef du gouvernement, renvoie  au souci d’équilibrer, voire de limiter les pouvoirs du Président de la République, qui a toujours guidé les travaux des rédacteurs des nouvelles constitutions. Celles-ci, à travers les multiples contre-pouvoirs qu’elles ont instaurées, ont  été souvent le fruit de compromis entre les tenants du régime présidentiel, considéré comme la traduction institutionnelle d’un Etat fort, et les partisans d’une prééminence de la représentation parlementaire, gage de respect de la volonté populaire.

C’est précisément de ce registre du compromis politique très précaire entre un Chef d’Etat nouvellement élu (à la suite d’une alternance historique par les urnes) et un Premier Ministre refusant de se voir reléguer au rang d’exécutant politique que procède la rédaction de certains articles de la Constitution sénégalaise adoptée par referendum le 7 janvier 2001.

Les apparences de la nouvelle constitution sénégalaise[26] sont de ce point de vue  trompeuses. Si tout au long de la campagne référendaire qui a  précédé l’adoption de la loi fondamentale (à une majorité écrasante de plus de 90% des suffrages exprimés) le ton général était à la rupture avec l’ordre institutionnel en place[27], la réalité est tout autre. En fait, rien d’essentiel, sur la forme comme sur le fond, ne sépare la Constitution du 22 janvier 2001 de celle de 1963. On y trouve la même architecture (elle-même  calquée sur celle de la Constitution française de la Vème République) mettant en relief la séparation des pouvoirs, ou encore les libertés publiques et l’indépendance de la justice. Mais c’est surtout sur le fond que les similitudes sont les plus frappantes. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’une organisation des pouvoirs qui, par delà une diversité de formulation, consacre la prééminence présidentielle. Tout indique, en effet, que malgré le discours officiel (à consommation intérieure) sur l’avènement « d’un régime parlementaire rationalisé », la nouvelle constitution, comme sa devancière, jette les bases d’un système dont le Chef de l’Etat est toujours la pièce centrale.

Le Titre III relatif au Président de la République ne laisse planer aucun doute sur la nature présidentielle ou à la limite semi-présidentielle du nouveau régime. La fonction présidentielle, à travers l’étendue des attributions reconnues à son titulaire, est même omniprésent dans la Constitution. L’énoncé de ses prérogatives va bien au delà de la qualité de « premier protecteur des Arts et des Lettres du Sénégal » ou de « garant du fonctionnement régulier des institutions, de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire » (article 42). Outre les attributions classiques, recouvrant entre autres, la présidence de certains Conseils (dont bien entendu le Conseil des ministres), les activités diplomatiques, le droit de  dissolution de l’Assemblée Nationale, l’exercice des pouvoirs exceptionnels, la nomination du Premier Ministre, le Président de la République se voit reconnaître le pouvoir de « déterminer la politique de la Nation » (article 42 alinéa 4).

De cette dernière prérogative découle une subordination du gouvernement, réduit « à conduire et coordonner la politique de la Nation sous la direction du Premier Ministre » (article 53 alinéa 1). Pareille disposition est un subtil compromis entre la formulation restrictive de la précédente Constitution (celle de 1963), où le gouvernement ne faisait « qu’appliquer la politique de la Nation sous la direction du Premier Ministre » (article 36), et celle plus étendue de l’article 20 de la Constitution française (« le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »). Ainsi si le Premier Ministre sénégalais exerce, sous certaines réserves, (s’agissant des ordonnances et des décrets, non limités à ceux délibérés en Conseil des ministres) le pouvoir réglementaire, il partage avec le Président de la République, et de manière    minimale (c’est-à-dire ceux déterminés par la loi) le pouvoir de nomination aux emplois civils.

La constitutionalisation du gouvernement, non inscrite dans la précédente Loi fondamentale, n’entame donc en rien la position hégémonique du Chef de l’Etat, illustrée par « la responsabilité du Premier Ministre devant lui», au même titre que celle « devant l’Assemblée Nationale » (article 53 alinéa 2). Cette disposition a une finalité avant tout politique : il s’agit de marteler l’emprise du  Chef de l’Etat sur le chef du gouvernement, et d’une manière plus générale, sur le gouvernement pris dans son ensemble. Du reste, derrière cette disposition comme dans d’autres articles de la Constitution, s’affiche toujours la volonté  de rappeler l’autorité suprême du Président de la République, son identification au pouvoir exécutif, y compris dans ses rapports avec les autres pouvoirs. C’est ainsi, par exemple, que l’article 80 lui reconnaît, ainsi qu’au Premier Ministre et aux députés l’initiative des lois. Mieux encore, il a, au même titre que les députés et le Premier Ministre, le droit d’amendement. L’article 81 alinéa 1 stipule ainsi que « les amendements du Président de la République sont présentés par le Premier Ministre et les autres membres du gouvernement ».

Si la fonction de Premier Ministre, et l’exemple sénégalais en témoigne, demeure cantonnée dans des limites constitutionnelles très étroites, elle doit être rapportée au cadre institutionnel envisagé dans son ensemble. De ce point de vue, la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée Nationale peut contribuer à renforcer l’assise du gouvernement et du Premier Ministre. Les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, relevant naguère du seul registre du formalisme, revêtent aujourd’hui un autre sens. La diversité politique de la représentation parlementaire donne notamment une plus grande portée au principe d’équilibre entre les pouvoirs et au rôle d’arbitre assigné aux juridictions constitutionnelles.

II – La consécration des juridictions constitutionnelles.

La création des juridictions constitutionnelles est venue bouleverser la hiérarchie des pouvoirs. Nombre de ces dernières se voient conférer un rôle plus important que celui naguère reconnu aux Cours Suprêmes[28]. Si le pouvoir ou l’autorité judiciaire (la terminologie varie selon les textes) est identifié tantôt à une Cour suprême (faisant office de juridictions civile, administrative et financière), tantôt à une Cour de Cassation, voire à un Conseil d’Etat, les juridictions constitutionnelles, quant à elles,  bénéficient d’un statut privilégié et autonome.

A – L’avènement des Conseils et Cours  constitutionnels autonomes.

Là où les anciennes institutions  faisant office de juridiction civile et administrative suprême, de juridiction  constitutionnelle, ou  de Cour des comptes, se contentaient des apparats du pouvoir judiciaire, les Cours et Conseils Constitutionnels qui sont apparus au cours de la dernière décennie s’efforcent de donner un caractère plus effectif à leurs attributions. C’est sans doute sous cet aspect que l’emprunt à la Constitution française prend toute sa signification, que la similitude entre les modes d’organisation et  de fonctionnement  des  juridictions  constitutionnelles  et ceux de leur homologue française prend toute  sa dimension. Sur bien  d’autres  points,    comme   la   place   de   ces   juridictions    dans   l’édifice    institutionnel, l’ordonnancement des lois  organiques s’y rapportant,  les modes  de  saisine  et  les

procédures qui sont prévues, la justice constitutionnelle africaine renvoie pour l’essentiel au modèle français. Mais ce constat formel ne traduit que partiellement la réalité du système  instauré par les nouvelles constitutions. Sans parler d’un modèle propre, tant les variantes sont nombreuses, la justice institutionnelle africaine emprunte aux systèmes européens (autres que français) et américain certains traits qui assurent en théorie au moins, une meilleure protection des droits fondamentaux.

Pour s’en tenir aux pays francophones d’Afrique sub-saharienne, le Burkina Faso est le seul à avoir conservé l’ancienne dénomination pour désigner la juridiction constitutionnelle. Comme c’était naguère le cas, un peu partout sur le Continent, c’est à une chambre constitutionnelle créée au sein de la Cour Suprême qu’est dévolu le pouvoir « de contrôle de la constitutionnalité des lois » faisant l’objet du Titre XIV de la Constitution. En dépit de cette formulation restrictive, les compétences de cette chambre constitutionnelle englobent d’autres compétences plus classiques, comme celles relatives au contentieux électoral ou « au respect de la procédure de révision de la Constitution ». La Constitution sénégalaise de janvier 2001, quant à elle, a repris la même architecture que celle figurant dans la précédente loi fondamentale : le Conseil Constitutionnel y est mentionné dans le Titre consacré au pouvoir judiciaire.

En revanche la plupart des constitutions africaines accordent aujourd’hui une place autonome aux juridictions constitutionnelles qui, si elles symbolisent la force désormais reconnue au « pouvoir judiciaire » (et non à « l’autorité judiciaire » comme c’était le cas dans les précédents textes), fonctionnent en dehors de l’appareil juridictionnel ordinaire. Cette spécificité se retrouve aussi bien dans leurs compétences ou l’autorité reconnue à leurs décisions (qui s’imposent souvent et directement aux pouvoirs politiques) que dans leur composition, le statut de leurs membres ou le mode de saisine.  Si les Constitutions africaines reprennent la formulation française pour évoquer les  principaux domaines de compétence des juridictions constitutionnelles, elles s’en séparent quant à leur étendue.

–    Le premier groupe d’attribution concerne le contrôle de constitutionnalité qui a pour corollaire la protection des droits fondamentaux et des libertés. Cette fonction recouvre, comme en France, le contrôle de constitutionnalité des lois organiques et ordinaires, des engagements internationaux, des règlements intérieurs des assemblées parlementaires. A ces compétences s’ajoutent selon les pays, le contrôle des actes réglementaires « censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques » (Bénin – Gabon) et les règlements intérieurs de certains organes  comme le Haut Conseil des collectivités ou le Conseil économique et social (au Mali), la Haute autorité de l’audiovisuel (au Bénin).

–    Le contrôle électoral assuré par les juridictions constitutionnelles ne concerne pas toujours les seules élections présidentielles, législatives et référendaires. Il recouvre parfois les élections locales (dans la Constitution nigérienne de 1999) quand ce n’est pas tout simplement, selon une formulation lapidaire « tout contentieux électoral » (Centrafrique). Les juridictions constitutionnelles se voient parfois confier des prérogatives plus étendues en matière électorale : elles ne  se limitent pas seulement à la régularité des scrutins, à l’examen des recours et réclamations, ou encore à la proclamation officielle des résultats. Outre l’établissement de la liste officielle des candidats (remplissant les conditions d’éligibilité), la Cour Constitutionnelle du Bénin a également en charge, en coopération avec la Commission électorale nationale indépendante (CENA) l’organisation et la supervision des processus électoraux (présidentiels et législatifs), incluant, entre autres, les opérations de recensement.

– Certaines Constitutions prévoient au profit des juridictions constitutionnelles un troisième bloc de compétence, en tant qu’instances de régulation des institutions de l’Etat. Sous cette rubrique, il s’agit essentiellement de régler les conflits d’attributions (Bénin, Mali, Sénégal), d’interpréter la Constitution (Gabon, Niger).

La charge des contentieux vient s’ajouter à bien d’autres prérogatives, qui pour la plupart d’entre elles, sont identiques à celles prévues, en pareils cas, par la Constitution française de 1958. Il en est ainsi du constat de vacance de la Présidence de la République, de la consultation préalable à la mise en application de pouvoirs exceptionnels. Les juges constitutionnels africains se sont vus en outre confier la responsabilité d’enregistrer et de rendre publique la déclaration de patrimoine du Chef de l’Etat nouvellement élu.

Les importantes responsabilités désormais dévolues aux juridictions constitutionnelles par les constituants africains ont conduit ces derniers à en privilégier le statut, qu’il s’agisse du mode et des critères de désignation des juges, ou des garanties d’indépendance qui leur sont accordées pendant leur mandat. Sur toutes ces questions, les solutions sont très variées. Le choix des juges constitutionnels est censé se porter en priorité sur les personnes dont  l’autorité dans le domaine du droit est reconnue (professeurs de droit, avocats, magistrats) et bénéficiant d’une longue expérience professionnelle (quinze ans de carrière au Sénégal et au Mali). Certaines Constitutions y font figurer des représentants des organisations de défense des droits de l’homme (Niger) et « des personnalités de grande réputation professionnelle » (Bénin). Ce qui est remarquable, c’est la précision des critères de désignation des juges : les textes vont parfois jusqu’à exiger la possession du titre de docteur en droit public pour celui qui représente la faculté de Droit (Niger) au sein de la Cour Constitutionnelle.

Comme en France, ce sont en règle générale, les autorités politiques qui désignent les membres des juridictions constitutionnelles dont le nombre va de cinq (au Sénégal) à onze au Cameroun.[29] Si le Président de la République nomme une partie d’entre eux (au Sénégal c’est même lui qui désigne les cinq membres du Conseil Constitutionnel), cette prérogative est partagée tantôt  avec le Président de l’Assemblée Nationale, voire le Président du Sénat (quand il y en a un, comme au Gabon), tantôt avec le Bureau de l’Assemblée Nationale (au Gabon) ou le Conseil supérieur de la Magistrature (au Mali). Il existe d’autres variantes où, à coté des membres choisis par le Président de la République et le Président de l’Assemblée Nationale, il y a deux magistrats, un avocat et un enseignant de la faculté de Droit, désignés par leurs pairs (Niger). En règle générale, le Président de la juridiction constitutionnelle est élu par le collège des membres.

La durée du mandat des juges est, elle aussi très variable. Très peu d’Etats ont retenu comme le Cameroun la solution française (neuf ans), non renouvelable. Ailleurs, la durée est soit de cinq ans (Bénin, Gabon, Niger) soit de six ans (Côte d’Ivoire, Sénégal), soit de sept ans (Mali) et le mandat n’est généralement pas renouvelable, sauf au Bénin et au Gabon où il l’est une fois. Les juges sont inamovibles et ils bénéficient parfois d’immunités juridictionnelles pendant la durée de leur mandat (article 93 de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000).

C’est surtout en matière de saisine que la distinction avec le système constitutionnel français est sensible. Si toutes les constitutions africaines se réfèrent au contrôle de constitutionnalité par voie d’action à l’initiative d’autorités politiques, en revanche beaucoup d’entre elles prévoient la saisine individuelle, soit par voie d’action, soit par voie d’exception, sous la forme de question préjudicielle de constitutionnalité[30].

En ce qui concerne tout d’abord la saisine par voie d’action réservée aux autorités politiques, elle est ouverte généralement, et sous certaines conditions, au Président de la République, au Premier Ministre, aux Présidents des Assemblées parlementaires, et à un dixième des membres de chaque chambre (lorsqu’il existe un Sénat, comme au Gabon). Le pourcentage de parlementaires nécessaires à cette saisine est parfois différent : au Burkina Faso, il est d’un cinquième, en Côte d’Ivoire, un groupe  parlementaire suffit et, au Bénin, tout membre de l’Assemblée nationale peut saisir la Cour. D’autres autorités publiques sont habilitées à saisir la justice constitutionnelle. Au Gabon[31], par exemple, les Présidents des Cours judiciaires, administratives et Cours des Comptes sont autorisés à le faire (pour les lois ordinaires et les actes réglementaires), comme le sont aussi le Président de la Cour Suprême, le Président du Haut Conseil des collectivités ou un dixième des Conseillers nationaux, au Mali.

Mais la grande innovation de la justice constitutionnelle africaine réside dans la consécration de la saisine individuelle, soit par voie d’action, soit plus souvent, sous la forme de question préjudicielle de constitutionnalité. Dans ce domaine, le Bénin fait assurément figure de précurseur. La Constitution prévoit, en effet, la saisine individuelle aussi bien par voie d’action que par voie d’exception. L’article 122 mentionne que « tout citoyen peut saisir la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction ». Partant de là, et en s’appuyant sur le Préambule et le Titre II de la Constitution relatif aux « droits et devoirs de la personne humaine », la Cour Constitutionnelle a adopté une conception très extensive du mode saisine individuelle. Elle en a même facilité l’usage dans son Règlement intérieur, en indiquant, entre autres, que la procédure est écrite, gratuite, secrète. Mieux encore, elle a pris l’habitude de se saisir d’office (une sorte d’auto-saisine) chaque fois « qu’une loi ou un texte réglementaire est censé porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ». (article 121 alinéa 2).

Même s’il a le choix entre la saisine directe de la Cour et la voie de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les Tribunaux, le citoyen a très nettement privilégié la première. La raison principale réside dans le fait que la procédure de la première voie est plus rapide, et que l’indépendance et l’autorité des juges constitutionnels tranchent avec l’incurie de la justice ordinaire.

La Constitution de la République centrafricaine prévoit cette saisine individuelle de la Cour constitutionnelle, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité. Il en est de même pour la Constitution gabonaise. Mais dans l’un et l’autre cas, la portée d’un tel droit est restée limitée en raison, entre autres, des nombreux obstacles de procédure qui l’entourent.

Quant à l’exception d’inconstitutionnalité désormais consacrée par d’autres constitutions (Côte d’Ivoire, Niger, Tchad), elle peut certes être invoquée devant les juridictions ordinaires, mais il appartient en dernier recours à la haute juridiction constitutionnelle de se prononcer. Sa décision a une portée générale et ne se limite donc pas à l’affaire qui lui a été soumise. L’expression de « question préjudicielle de constitutionnalité » recouvre mieux la réalité de l’exception d’inconstitutionnalité mentionnée dans les Constitutions africaines.

Il est à noter que le Sénégal a opté, en la matière (article 92 de la Constitution de janvier 2001) pour un mécanisme faisant intervenir la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat. En l’espèce il appartient à la juridiction suprême civile ou administrative d’apprécier si « l’exception d’inconstitutionnalité » invoquée devant un tribunal ordinaire mérite d’être portée devant le Conseil  Constitutionnel.

B – L’exercice des compétences des juridictions constitutionnelles.

Si c’est en qualité de juges du contentieux électoral que les juridictions constitutionnelles africaines se sont souvent faites remarquer (pour le meilleur comme pour le pire), leurs activités dans les domaines de la protection des droits fondamentaux et des libertés, ainsi que de la régulation des institutions de l’Etat ont été tout aussi importantes. En réalité, et c’est là sans doute que réside l’essentiel, les Conseils et les Cours constitutionnels ont donné un caractère plus effectif à leurs attributions, rompant ainsi avec le  constat d’inefficacité qui les frappait jusque là.[32]

L’effectivité du contrôle exercé, dans le domaine de la protection des droits fondamentaux et des libertés, par les juridictions constitutionnelles est étroitement liée à la consécration des libertés par les institutions (nouvelles ou révisées).  Celles-ci énumèrent de manière souvent exhaustive et dans les tout premiers titres « les libertés, les droits et les devoirs » (Tire I de la Constitution ivoirienne), « les libertés publiques, les droits économiques et sociaux et les droits collectifs » (Titre II de la Constitution sénégalaise), « les droits et devoirs de la personne humaine » (Titre I de la Constitution malienne).

C’est par le biais du contrôle de constitutionnalité tant par voie d’action que par voie d’exception que cette prétention peut être atteinte. Au Bénin qui fait office de modèle, les décisions qui s’y rapportent forment le gros de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle[33].

La Cour Constitutionnelle du Bénin est régulièrement intervenue pour censurer les violations des   droits   fondamentaux.  Elle  a  ainsi,  dès  1994,  censuré  la  violation  de la liberté d’association (DCC 16-94) en se fondant sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée dans le cadre de l’OUA, en 1981, et entrée en vigueur en 1986. Elle a également sanctionné l’atteinte à l’égalité d’accès à la fonction publique (DCC 18-94) ou réaffirmé (DCC 96-026) l’égalité des citoyens devant la loi. Bien d’autres décisions condamnant par exemple la détention au delà des délais légaux (DCC 96-005, DCC 96-006, DCC 96-016, DCC 96-035) ou l’utilisation illégitime de la force  sont venues confirmer la vocation désormais avérée de la justice constitutionnelle à donner un contenu réel au contrôle de constitutionnalité. C’est dans cet esprit que la Cour a rejeté, en 1999 (DCC 99-036),[34] la demande du Président de la République d’examiner en procédure d’urgence la loi portant régime électoral communal et municipal en République du Bénin. Elle a, entre autres, considéré que la loi en question n’entrait pas dans la catégorie des textes censés, selon l’article 120 de la Constitution « porter atteinte aux droits de la personne humaine et des libertés publiques ». Dans le même temps,

elle n’a pas hésité à soumettre au gouvernement  des observations dont la prise en compte est, à ses yeux, nécessaire à la conformité de la loi à la Constitution.

Dans ce  registre, d’autres juridictions constitutionnelles se sont signalées. C’est notamment le cas de la Cour Constitutionnelle du Gabon qui, dès sa mise en place, dans le sillage de la contestation politique de 1990, a voulu affirmer son ambition d’assurer une réelle protection des droits fondamentaux et  se démarquer ainsi de l’ancienne Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême. Sa décision du 28 février 1992[35] est révélatrice de ce nouvel état d’esprit. En contrôlant la constitutionnalité de la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la Communication (CNC), la Cour a censuré les dispositions limitant le temps d’antenne aux seuls partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale. Elle s’est fondée pour cela sur un texte (la Charte Nationale des Libertés de 1990) qui, selon elle, fait partie du « bloc de constitutionnalité », ainsi que sur l’article 95 de la Constitution prévoyant que la CNC est chargée, entre autres missions, de veiller « au traitement équitable de tous les partis et associations politiques »[36].

D’autres décisions, notamment sur la liberté de la presse, montrent que le juge constitutionnel a utilisé toutes les ressources offertes par la Constitution, la loi organique et son règlement intérieur, pour étendre la saisine individuelle (notamment par voie d’exception) et lever les multiples obstacles de procédure que rencontre le justiciable.

Même si l’on ne dispose pas d’informations aussi exhaustives que pour le Bénin,  d’autres juridictions  constitutionnelles, fortes désormais du droit reconnu aux citoyens de les saisir à l’occasion d’un procès devant les tribunaux ordinaires, ou directement, se sont plus précisément érigées en juges des libertés. C’est notamment le cas du Conseil Constitutionnel sénégalais ou de la Cour Constitutionnelle du Mali.

Cette dernière a ainsi contraint le gouvernement à modifier certaines dispositions de la loi électorale qui lui était soumise. Dans son arrêt CC 96003 la Cour a, entre autres, relevé qu’en instaurant trois modes de scrutin pour une même élection (législative), la loi électorale allait à l’encontre de l’article 2 de la Constitution relatif à l’égalité des citoyens et du Préambule de la Constitution disposant  que « le peuple souverain du Mali réaffirme sa détermination à maintenir et à consolider l’unité nationale ». La nouvelle loi électorale (du 14 janvier 1997) a tenu compte des observations de la Cour qui, une fois n’était pas coutume dans un pays qui a longtemps vécu sous un régime autoritaire, se sont imposées à tous les acteurs politiques.

Pour ce qui est du Sénégal, la saisine du Conseil Constitutionnel par voie d’exception, certes prévue par la Constitution  (article 92 alinéa 1) mais  passant par le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation, saisi par un tribunal administratif ou judiciaire, n’a guère connu d’application. Seules deux affaires, dont l’une a été effectivement portée devant le Conseil Constitutionnel, s’y sont rapportées.

Même si cette avancée des juridictions constitutionnelles, en matière de protection des libertés, n’est pas encore perceptible partout en Afrique, elle imprègne de plus en plus les décisions prises à l’occasion du contrôle, classique et obligatoire le plus souvent, de la constitutionnalité des lois organiques.

Le contentieux électoral échoit généralement à la justice constitutionnelle, s’agissant des scrutins présidentiel, législatif et référendaire. Pour ce qui concerne les élections locales, les solutions varient selon les pays : leur compétence relève tantôt des tribunaux ordinaires (notamment au niveau des Cours d’appel au Sénégal ou en Côte d’Ivoire) tantôt de la Cour suprême, comme au Bénin.

Paradoxalement, c’est dans le champ très controversé du contentieux électoral, que les avancées ont été, ici et là, les plus sensibles, voire les plus spectaculaires, au cours des dernières années. En effet, à côté des nombreux pays où le juge électoral continue à avoir du mal à s’affranchir de l’emprise du politique, il y a des Etats où la justice constitutionnelle est parvenue à imposer son autorité et a acquis une légitimité.

Encore une fois l’expérience béninoise sert de référence principale. Dans ce pays, la Cour Constitutionnelle a réussi à faire valoir, parfois dans un contexte de violence, la « vérité des urnes ». Depuis une dizaine d’années, c’est sous son autorité  que les résultats électoraux ont été acceptés par tous les acteurs politiques, et que l’alternance a trouvé son rythme normal. Du reste, elle exerce son contrôle à tous les stades des processus aux côtés d’une Commission électorale nationale autonome (CENA).

C’est dans une totale impartialité que la Cour Constitutionnelle s’est ainsi acquittée de sa tâche dans un pays habitué jusque là aux scrutins-plébiscites en faveur des pouvoirs en place. Aux élections présidentielle de 1996 et de 2001, elle a montré qu’elle était l’ultime rempart contre tous les débordements. Elle a, par exemple en 1996, réagi aux menaces du Chef de l’Etat sortant, Nicéphore Soglo, donné battu[37] en publiant un communiqué dénonçant de tels agissements. Cinq ans plus tard, et dans un contexte de tension, elle a su, une nouvelle fois, dire le droit et mener à son terme le scrutin présidentiel, dont la régularité avait été mise en cause par l’un des principaux candidats. Lors des élections législatives du 30 mars 1999, elle a décidé, sans provoquer de réactions, d’annuler près du tiers des bulletins de vote. Constatant des irrégularités diverses (défaut de signature de procès verbaux, absence de scrutateurs, absence de décompte de voix), elle a procédé, selon les termes de la proclamation des résultats « à des redressements des décomptes des voix ou à l’annulation des suffrages exprimés dans les bureaux de vote concernés »[38].

Dans ce même esprit, la Cour avait annulé, lors des élections législatives de 1995, les résultats de la circonscription dans laquelle s’était présentée l’épouse du Chef de l’Etat en place. Mais le Bénin ne fait pas aujourd’hui exception. Au Mali, la Cour Constitutionnelle, pourtant dotée de compétences moins étendues que son homologue béninoise, a purement et simplement annulé le scrutin législatif d’avril 1997, et a donné suite à une requête dans ce sens introduite par les partis d’opposition.[39]

La Cour constitutionnelle malienne a fait preuve d’une même fermeté, lors des scrutins présidentiel et législatif de 2002. Au premier, comme au second tour de l’élection présidentielle qui a finalement porté au pouvoir Amadou Toumani Touré, elle n’a pas hésité à invalider un nombre élevé (entre 15 et 25 % ) de voix recueillies par les différents candidats. Quant aux élections législatives, la Cour  a été saisie de plusieurs centaines de requêtes en annulation.  Elle a tantôt procédé à des corrections, notamment au détriment de la majorité parlementaire sortante, tantôt annulé purement et simplement les résultats dans deux circonscriptions (à Sikasso et à Essoko).

On peut certes épiloguer sur les tergiversations, pour ne pas dire sur l’impuissance «coupable», dont font encore preuve trop de juridictions constitutionnelles face à des fraudes électorales caractérisées qui, dans certains pays se sont révélées destructrices pour la paix civile. Mais il y a néanmoins aujourd’hui une prise de conscience chez nombre de juges de la responsabilité dont ils sont investis, et de la nécessité d’assurer en toute circonstances la primauté du droit. C’est dans cet esprit que le Conseil Constitutionnel sénégalais, se fondant sur une jurisprudence antérieure (de 1988 et 1999) a donné suite à une requête de trois chefs de partis, engagés dans les élections législatives du 29 avril 2001, tendant à interdire que l’effigie du Chef de l’Etat et un acronyme tiré du Wolof (la langue nationale) rappelant son nom (WAD) figurent sur les bulletins de vote des candidats de son parti. Malgré les protestations de responsables politiques de la formation politique dont le Président de la République est toujours le Secrétaire général (et en dépit d’un échange épistolaire entre ce dernier et le Président du Conseil Constitutionnel), le Ministre de l’Intérieur a fait immédiatement appliquer la décision du juge constitutionnel sénégalais. Cet exemple, parmi d’autres, traduit un changement de comportement qui rejaillit lentement, mais sûrement sur le climat politique général.

Au Sénégal, comme au Bénin et dans quelques autres pays où les traditions de juridisme sont plus avérées, l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions des juridictions constitutionnelles n’est plus un vain mot : au Bénin, les décisions prises par la Cour, entre 1994 et 1998[40], ont, dans leur quasi  totalité, été suivies et  appliquées par  les  autorités  concernées. Au  Tchad, en dépit des suspicions de fraudes, le plus souvent fondées, c’est vers le Conseil Constitutionnel que les candidats à l’élection présidentielle du 20 mai 2001 se sont tournés pour exiger que soient réunies toutes les conditions de transparence du scrutin. A Madagascar, c’est la force du droit qui a prévalu lors du scrutin présidentiel de 1996. Bien qu’acquise à une très faible majorité, l’élection de Didier Ratsiraka s’est imposée à tout le monde du seul fait qu’elle avait été entérinée par la Haute Cour Constitutionnelle. C’est en fin de compte de ce même registre du respect de la décision de la juridiction constitutionnelle que relève, fut-elle tardive, la proclamation officielle de l’élection de Marc Ravalomanana, en 2002.

La fonction de régulation des institutions de l’Etat a connu elle aussi la même évolution. Elle tend          à s’imposer dans le fonctionnement des systèmes politiques, soit sous la forme de décision, soit sous le forme d’avis. Le 9 novembre 2000, le Conseil Constitutionnel sénégalais, saisi par le Président de la République, a rendu conformément à l’article 46 de la Constitution de 1963, un avis favorable à la soumission au referendum du nouveau projet de constitution. Une semaine plus tard, un second avis, toujours sur requête du Chef de l’Etat, autorisait ce dernier « à prendre toutes mesures réglementaires relatives à l’organisation du referendum. »[41] Déjà en 1998, le Conseil Constitutionnel sénégalais avait rejeté quatre requêtes de députés de l’opposition contestant le bien fondé juridique d’une proposition de loi (déposée par le parti au pouvoir) portant révision de la Constitution. Celle-ci visait à modifier les articles 21 sur le nombre de mandats présidentiels et 28 sur la nécessité, pour être élu au premier tour de l’élection présidentielle, de réunir, outre la majorité absolue des suffrages exprimés, le quart des électeurs inscrits.

Au Mali, en mars 1997, le Président de la République a été amené, comme le lui avait suggéré la Cour Constitutionnelle, à dissoudre l’Assemblée Nationale avant le terme de la législature, afin d’organiser des élections dans les conditions et les délais exigés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Les juridictions constitutionnelles n’hésitent pas davantage à régler les conflits d’attributions entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Même si cette compétence est peu exercée dans des contextes politiques où il y a souvent concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire, elle ne relève plus du seul registre du formalisme. Au Bénin, par exemple, où depuis dix ans, une « guérilla » parlementaire rythme la vie politique, la Cour Constitutionnelle a été amenée à plusieurs reprises à trancher des litiges entre l’Exécutif et l’Assemblée Nationale. En 1994, elle a eu à se prononcer sur la mise en vigueur, par voie d’ordonnance de la loi de finances ainsi que de la loi de programme d’investissements publics rejetées par le Parlement. En 1996, la Cour a contraint le Président Mathieu Kérékou à prêter serment une seconde fois dans le strict respect du libellé de l’article 53 de la Constitution. Le même Chef d’Etat a été rappelé à l’ordre pour avoir promulgué le 3 mai 1996 dans des conditions non conformes à la Constitution la loi organique relative à la Haute Cour de Justice (décision CC 96.061 du 26 septembre 1996).

Dans le cas de Madagascar, et indépendamment du jugement que l’on pourrait porter sur le bien-fondé, y compris juridique, de sa démarche, la juridiction constitutionnelle n’a pas hésité, en 1996,  à confirmer la destitution du Président de la République (décision N° 17-HCC/D3) que l’Assemblée nationale a prononcée sur une base politique, pour ne pas dire politicienne. C’est d’ailleurs à partir de cette décision que fut organisé, en conformité avec la Constitution, l’intérim de la Présidence de la République, qui allait déboucher sur un nouveau scrutin et sur une alternance acceptée par toute la classe politique[42]. Le fait, en soi, est révélateur des profonds changements de comportement et de la capacité des règles de droit à dénouer des crises politiques, dès l’instant où chacun s’accorde à en reconnaître la primauté. Même si l’on peut, sous certains aspects, regretter l’excès de juridisme pas toujours neutre politiquement qui a entouré l’épreuve de force entre le Chef de l’Etat et l’Assemblée Nationale, il faut néanmoins avoir à l’esprit que l’enchaînement des événements s’est effectué dans le strict cadre de la légalité. On peut, du reste, tirer la même conclusion des péripéties tumultueuses qui ont entouré le dernier scrutin présidentiel opposant le Président sortant Didier Ratsiraka à Marc Ravalomanana.

Mais la jurisprudence de plus en plus abondante des juridictions Constitutionnelles, pour révélatrice qu’elle  soit   des   progrès   réalisés   sur   la  voie   de  l’Etat  de  Droit,   ne  doit pas conduire à des conclusions trop hâtives . En effet, l’exemple du Bénin, s’il n’est pas isolé, ne peut être étendu, loin s’en faut, à l’ensemble du Continent. L’actualité est malheureusement riche d’événements illustrant le peu de cas qui est souvent fait du droit, quand ce n’est pas l’institution judiciaire dans son ensemble, qui n’est pas en mesure d’assumer correctement sa mission ou n’est pas capable tout simplement de s’affranchir de la tutelle du pouvoir politique.

En fait, la réalité du constitutionnalisme se réduit, aujourd’hui, sous des formes variées, non dépourvues parfois d’ambiguïté politique, aux Etats (Bénin, Madagascar, Sénégal essentiellement) où les traditions de juridisme sont enracinées, ainsi qu’aux rares pays qui, comme le Mali, s’efforcent de faire triompher les valeurs de la Démocratie[43]. Ailleurs, les textes constitutionnels pour parfaits qu’ils soient dans leur libellé, leur ordonnancement ou l’affirmation des grands principes républicains, ne rendent pas compte des insuffisances qui subsistent sur le terrain de l’application et de la pratique du Droit.

Il faut savoir ainsi que de nombreuses institutions, dont la création est pourtant prévue par la Loi fondamentale, continuent de relever du domaine purement théorique.  C’est parfois le cas des juridictions constitutionnelles dont l’absence se   fait souvent  sentir sur l’issue des conflits juridiques impliquant le « Sommet » de l’Etat. On peut bien entendu invoquer le coût financier du fonctionnement de ces organes pour justifier le retard dans leur mise en place. Mais il ne s’agit là bien souvent que d’arguments derrière lesquels se cachent des intentions moins louables. Ce faisant, les pouvoirs en place espèrent  avant tout se mettre à l’abri des sanctions pouvant être lourdes de conséquences pour leur survie politique. Au Congo-Brazzaville, l’ancien Président Pascal Lissouba s’était ainsi soudainement souvenu, en juillet 1997, que la Constitution de 1992, sous l’empire de laquelle il avait été élu, avait institué un Conseil Constitutionnel. Il l’installera dans la précipitation et dans le seul but de lui faire prendre une décision prorogeant son mandat de trois mois.

Le peu d’empressement que mettent certains dirigeants à procéder à la mise en place des instances de régulation juridictionnelle renvoie également au phénomène d’instabilité constitutionnelle. Même si les révisions constitutionnelles ne sont pas nécessairement un signe de faiblesse, comme le note très justement Gérard Conac[44], au regard notamment de la diversité et de la complexité des sociétés africaines, elles participent encore trop de la volonté des gouvernants d’en faire un usage instrumental, tourné exclusivement vers un renforcement de leurs attributions. C’est dans ce sillage que s’inscrivent, par exemple, les réformes visant l’allongement du mandat présidentiel et la suppression de toute clause limitant le nombre de mandats présidentiels.

Cette pratique de manipulation de la Loi fondamentale est à rapprocher des risques de politisation que comporte parfois l’intervention du juge constitutionnel[45]. Ce risque est d’autant plus grand que dans bien des pays, l’indépendance du pouvoir judiciaire est encore fragile. Sans compter, et cela n’est pas pour rien dans l’explication de certaines dérives, que la profession judiciaire  (toutes  catégories  confondues)  est  souvent  dans  un  état  de  grande déshérence. L’assaut de légalisme dont a fait preuve l’ancien Président congolais en pleine guerre civile, n’était en fait dicté que par son souci de se faire légitimer par un Conseil Constitutionnel qui lui   était totalement dévoué. Il n’est jusqu’à Madagascar où la destitution prononcée par la Haute Cour Constitutionnelle, en 1996, à l’encontre d’Albert Zafy, n’était pas exempte d’ambiguïté.

Le manque d’indépendance de l’instance de régulation est toujours source de fragilité des institutions, surtout lorsque cette dernière est sollicitée comme arbitre entre l’Exécutif et le Législatif ou entre les deux têtes de l’Exécutif. En ne se montrant pas suffisamment capable de s’affirmer face au pouvoir politique et de s’affranchir d’une logique partisane, la Cour Suprême nigérienne a précipité la crise de 1996 et jeté le discrédit sur la Constitution. Dans ce même ordre d’idées, il arrive que la paralysie des institutions soit volontairement provoquée et entretenue par des dirigeants soucieux avant tout de récupérer des prérogatives que les lois fondamentales avaient étroitement limitées et placées sous le contrôle des pouvoirs législatif et judiciaire.

Malgré ces faits, le regain de constitutionalisme et le besoin qu’éprouvent désormais les dirigeants politiques d’en appeler aux  mécanismes constitutionnels pour justifier leurs actions même lorsqu’elles sont injustifiables sont aujourd’hui réels. On peut bien entendu épiloguer sur l’indépendance des organes de régulation, notamment les instances constitutionnelles, et sur les moyens dont ils disposent pour exercer, dans leur plénitude, les compétences qui leur sont attribuées.  Tout comme on peut douter que la seule existence d’une juridiction constitutionnelle suffise à dissuader les gouvernants d’outrepasser les pouvoirs qui leur sont dévolus ou même de violer ouvertement la loi fondamentale.

En réalité, les changements réellement perceptibles sur la voie de l’Etat de droit ne peuvent être séparés du contexte politique global et de la confiance que les populations et les acteurs politiques peuvent avoir dans le fonctionnement des institutions[46]. Mais pour peu que la confiance disparaisse, et c’est tout l’édifice institutionnel qui s’écroule. Les textes constitutionnels ne produisent leurs effets que s’ils s’inscrivent dans un mode de gouvernement articulé autour de la poursuite de l’intérêt général et de l’exercice par les citoyens de tous leurs droits, notamment de vote. Or, dans bien des cas, le détournement dont fait l’objet le suffrage universel crée les conditions d’une rupture du contrat social et donc  fragilise le ciment constitutionnel.

Une observation attentive  de la scène politique africaine montre  que la plupart des conflits qui s’y déroulent trouvent leur origine dans les contestations post électorales. Poussées jusqu’à leur paroxysme, elles créent toutes sortes de frustrations, et provoquent des replis communautaires lourds de menaces pour l’unité nationale. On mesure ainsi la responsabilité qui pèse sur les juges chargés du contentieux électoral et l’importance primordiale que revêt aujourd’hui une stricte application du Droit et de la Constitution.


[1] Cf. Les Constitutions africaines publiées en langue française. Tomes I et II. Textes rassemblés et présentés par du BOIS DE GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et DESOUCHES (Ch.). Paris. La Documentation Française 1997 et 1998 ; ROUSSILLON (H) Les nouvelles constitutions africaines. Presses de l’IEP de Toulouse 1995 ; CABANIS (A) et MARTIN (M.L.) Les constitutions d’Afrique francophone. Evolutions récentes. Paris. L’Harmattan 1999.[2] L’Afrique en transition vers le pluralisme politique (sous la direction de Gérard CONAC). Paris. Economica 1993 ; DALOZ (J.P.) et QUANTIN (P) (études réunies et présentées par). Les transitions démocratiques africaines : dynamiques et contraintes. Paris. Karthala 1997 ; CONAC (G) « Quelques réflexions sur les transitions démocratiques en Afrique ». Communication présentée au Colloque organisé par l’Organisation internationale de la francophonie sur « Les transitions démocratiques en Afrique ». (Cotonou 19-23 février 2000)[3] Pour une synthèse de cette notion, voir la thèse de Marcelin NGUELE ABADA Etat de droit et  démocratisation. Contribution à l’étude de l’évolution politique et constitutionnelle du Cameroun. Université Paris I. 1995 ; voir aussi CONAC (G) in L’Etat de droit. Mélanges en l’honneur de Guy BRAIBANT. Paris. Dalloz 1996. pp 106 et ss.

[4] Cf BOURGI (A). Communication au colloque « Lecture et relecture de la Constitution de la Vème République » organisé par l’Association française des constitutionnalistes et l’Association française de Science politique (Paris 7-8-9 octobre 1998) « La réalité du nouveau constitutionnalisme africain ».

[5] Voir  BOURGI (A). Communication au colloque « L’avènement de la Vème République : entre nouveauté et tradition » (Reims, 5-6 octobre 1998) « La France et l’Afrique en 1958 ».

[6] BADIE (B), L’Etat importé. Essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique, Paris. Fayard. 1992

[7] Sur le phénomène de  personnalisation du pouvoir en Afrique, voir CONAC (G) « Portrait du chef de l’Etat » in Les pouvoirs africains. Pouvoirs. N° 25. 1983. p. 121 ; également MEDARD (J.F.) « la spécificité des pouvoirs africains ». Ibid. p. 20.

[8] Voir entre autres MENY (Y). Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le rejet. L’Harmattan. Paris 1993. GONIDEC (P.F.) qui évoque « le suivisme, voire le servilisme africain dans le domaine constitutionnel » in « Constitutionnalismes africains ». R.J.P.I.C. N°1. janvier-avril 1996. p. 49

[9] Dans son manuel « Droit constitutionnel et institutions politiques ». Paris. Montchrétien. 16° édition. 1999. p. 371 Jean GICQUEL parle de « regain constitutionnel africain ».

[10] Pendant longtemps, les constitutions  n’ont eu aucune efficacité. Pour Maurice KAMTO, cette non effectivité « tenait autant à la transcendance du pouvoir qu’au blocage culturel et politique », in Pouvoir et droit en Afrique Noire : essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les pays d’Afrique noire francophone. Paris. LGDJ. 1987. p. 439.

[11] Il existe une abondante littérature sur ce qui a constitué sans doute l’une des grandes originalités du mouvement démocratique. On a dit tout et son contraire à propos de ces Assemblées qui rappelaient les « Etats généraux » de la Révolution française et ont symbolisé, parfois jusqu’à la caricature, la liberté de parole retrouvée. Par delà les controverses et les critiques sur leur mode d’organisation, leurs procédures parfois surréalistes, la durée des assises (allant de 10 jours au Bénin à 16 mois dans l’ex-Zaïre), leur caractère « souverain », les Conférences nationales ont incarné la profonde aspiration aux changements des populations africaines. Voir les nombreuses communications présentées lors de la Conférence sur « le bilan des Conférences nationales et autres processus de transition démocratique en Afrique » organisée par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (Cotonou. Bénin. 19-23 février 2000)

[12] Cf. MANGA (P). Réflexions sur la dynamique constitutionnelle en Afrique . R.J.P.I.C, 1998. pp 46-69

[13] Voir du BOIS DE GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et DESOUCHES (Ch .) déjà cité. Tome I. p. 268

[14] Cf. KAMTO (M.). Pouvoir et Droit en Afrique Noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique Noire francophone. Paris. LGDJ 1987. Pp 278 et ss.

[15] Du BOIS de GAUDUSSON (J.) – « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques » in Afrique Contemporaine. Numéro spécial. 4ème trimestre 1996. P. 252.

[16] Voir FAURE (Y.- A.) « Les Constitutions et l’exercice du pouvoir en Afrique Noire ». Politique Africaine N° 1. janvier 1981.

[17] Cf. Nguélé ABADA (M.) « Ruptures et continuités constitutionnelles en République du Cameroun : Réflexions à partir de la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 ». Revue juridique et politique. Sept-Décembre 1996 pp. 272-293.

[18] Pour le Bénin, souvent cité en exemple, pour le rôle joué par la Cour constitutionnelle (infra) voir GLELE-AHANHANZO (M) « Le renouveau constitutionnel du Bénin : une énigme ? » in Mélanges Michel ALLIOT. P.U.F. Paris 2000.

[19] Après les changements constitutionnel intervenus en Côte d’Ivoire (2000) et au Sénégal (2001), le Cameroun est à ce jour le seul pays d’Afrique francophone à s’être tenu à la seule révision de la Loi fondamentale.

[20] Cf à ce propos FAVOREU (L) et autres. Droit constitutionnel. Paris. Dalloz. 1998. pp 616 et ss.

[21] Il convient de noter qu’après avoir accédé au pouvoir (successivement en 1981 et en 1982) dans le cadre du successorat présidentiel mis en place par leurs prédécesseurs Senghor et Ahidjo, Abdou Diouf du Sénégal et Paul Biya du Cameroun, ont vite fait de supprimer les dispositions des Constitutions prévoyant ce type de succession constitutionnelle. Voir à ce sujet KAMTO (M) « Le dauphin constitutionnel dans le régime politique africain : le cas du Cameroun et du Sénégal » Penant N° 781-782. 1983.

[22] Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire du 3 août 2000 pp 529-538.

[23] Le poste de Premier Ministre n’est pas prévu dans la Constitution béninoise de 1990 qui instaure un véritable régime présidentiel caractérisé par une nette séparation des pouvoirs. Le Chef de l’Etat, par ailleurs « chef de gouvernement » (dont il nomme, après un simple avis consultatif du Bureau de l’Assemblée Nationale, les membres et met fin à leurs fonctions) a en revanche, souvent été contraint (et c’est encore le cas aujourd’hui) de composer avec une majorité parlementaire qui lui est hostile. En réalité depuis 1991, c’est-à-dire depuis l’organisation des premières élections pluralistes dans ce pays, il n’y a pas eu de concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire. Cette situation n’est pas étrangère à l’émiettement de la représentation parlementaire : près d’une vingtaine de partis se partage, en effet, les 83 sièges de l’Assemblée Nationale. A plusieurs reprises, la Cour Constitutionnelle a été amenée, avec succès, à régler les conflits d’attribution entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée Nationale, et à exercer ainsi pleinement sa fonction arbitrale. (cf. GLELE-AHANHANZO (M). Op. Cit. P. 328

[24] Aux termes de la Constitution alors en vigueur, le Premier Ministre « dirige, anime et coordonne l’action du gouvernement » qui « détermine et conduit la politique de la Nation ». Mieux encore, le gouvernement est habilité à contresigner la plupart des actes du Président de la République. Cf. Du BOIS de GAUDUSSON (J), CONAC (G) et DESOUCHES (Ch) op cit. page 157.

[25] Cf Journal officiel de la République du Niger. Numéro spécial N°10 du 9 août 1999. pp 223-234.

[26] Journal officiel de la République du Sénégal. Numéro spécial du 22 janvier 2001. pp 27-42

[27] L’adoption d’une nouvelle constitution rompant avec le régime présidentiel figurait dans les accords de désistement en faveur du candidat de l’opposition, Abdoulaye WADE, arrivé derrière le Chef de l’Etat sortant, Abdou DIOUF, à l’issue du premier tour.

[28] Cf. Les Cours suprêmes en Afrique (sous la direction de G. CONAC) Paris . Economica 1989.

[29] Ils sont sept en Côte d’Ivoire, au Niger, au Bénin, neuf au Mali, et au Gabon.

[30] Cf FAVOREU (L). Manuel déjà cité. Pp 255 et ss.

[31] Voir NZE-BITEGHE (J.C.). Le système gabonais de justice constitutionnelle. L’exemple de la Cour Constitutionnelle. Thèse de doctorat de droit public. Université de Sciences sociales de Toulouse. 2000

[32] Pambou TCHIVOUNDA (G). « Une juridiction constitutionnelle au Gabon (à propos de la Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême au Gabon » in Les Cours Suprêmes en Afrique. RJPIC. Economica. Paris 1988. p.. 437.

[33] Près du tiers des décisions rendues par la Cour Constitutionnelle sont relatives aux droits de l’homme et aux libertés (voir GLELE AHANHANZO (M). article déjà cité. P. 329.

[34] Les décisions de la Cour Constitutionnelle du Bénin sont publiées par année. Les recueils de 1993 à 1997 sont disponibles à l’Imprimerie Nationale, à Porto Novo.

[35] CC 001-92 du 28 février 1992. RDACC page 7

[36] Voir les rapports d’activités de la Cour publiés tous les ans.

[37] Cf GLELE AHANHANZO (M) déjà cité. P. 329

[38] Document ronéotypé de la Cour Constitutionnelle.

[39] Document ronéotypé figurant dans un dossier établi par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie à l’issue d’une mission d’évaluation du processus électoral malien (1997)

[40] Elles sont au nombre de 468. Cf GLELE AHANHANZO (M). Déjà cité. PUF 2000.

[41] Affaires N° 3/2000 et N° 5/200 des 9 et 16 novembre 2000. document ronéotypé du Conseil Constitutionnel.

[42] Cf BOURGI (A.) « Madagascar : ombres et lumières d’une transition démocratique ». La Gazette du Palais N° 275-276. 2-3 octobre 1998. Pp. 6-15

[43] Cf. DIAWARA DABA. Les grands textes de la pratique institutionnelle de la IIIème République. (Edition 1994) Bamako. Société malienne d’édition.

-15.[44] In Les Constitutions africaines. Tome II Paris. La Documentation Française 1998 . page 18.

[45] Cf. Du BOIS De GAUDUSSON (J.) « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques ». Déjà cité.

[46] GONIDEC (P.F. « Constitutionnalismes africains » in Revue juridique et politique. Indépendance et coopération. Janvier-avril 1996 pp. 23-50.

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